Fin 2016, 6 couples d'amis ont décidé d'acheter une ferme à Epiniac pour y fonder un éco-hameau. Ce site comprend, sur 4,3 ha, des bois, haies et arbres isolés, des bâtiments pour l'habitat partagé et l'accueil, des prairies et jardins, des vergers plantés, et un futur espace-test de formation en pépinière (en projet).
La partie boisée représente ilha de la propriété, c'est peu mais ce bois constitue en fait une partie d'une forêt de 12 ha dont la majorité appartient à une famille du secteur. Ces bois ont un réel caractère sauvage et rural, typique du secteur, à base de chênes pédonculés et de châtaigniers, complétés par des aulnes, des frênes et de quelques peupliers plantés dans les parties humides. Le bois est séparé de la forêt par le ruisseau de la Corbonais, ruisseau temporaire recalibré sur certains secteurs mais qui présente sur le site un faciès naturel riche en blocs, méandres et graviers. L'histoire de ce bois (voir ci-dessous) explique la diversité des essences et des conditions de vie, qui génèrent des sous-bois eux aussi diversifiés, avec le houx, le chèvrefeuille ou le tamier, et une riche flore de fougères (10 espèces), d'anémones des bois, de lamiers, d'euphorbe des bois, de sceaux de Salomon, de Dorine dans les parties humides, et aussi de quelques pieds d'Epipactis helleborine,orchidée des bois clairs. L'entretien y est très modeste, c'est notre espace sauvage, et les bois morts sur pied ou au sol sont assez fréquents, et supports de vie pour une faune adaptée (pics épeiche, mar, épeichette), lucanes et autres invertébrés. Le cortège des oiseaux est assez classique, à part le Loriot ou le pic mar et parfois la visite de l'Autour, celui des mammifères également, observé à la caméra nocturne (Blaireau, martre, renard, hérisson, putois, chevreuil, sanglier, lièvre, ...). La salamandre et la grenouille rousse y sont fréquentes et se reproduisent dans les flaques, mares et prairies humides proches. Le site n'est pas exceptionnel, mais il faut noter quand même dans la forêt la présence de deux espaces de landes humides, habitat d'intérêt communautaire, avec le cortège associé (Bruyère ciliée, callune, ajonc nain, cirse d'Angleterre, Orchis tacheté, ...), qui marquent bien le caractère acide et peu fertile de ce secteur, ce qui n'empêche pas sa richesse écologique.
Elle est passionnante et reste encore en partie à préciser. A partir des photos aériennes anciennes, des témoignages et des relevés de terrain, nous pouvons estimer 3 époques :
- fin 19e siècle jusqu'au milieu du 20e siècle, la forêt n'en est pas une. Le site est très utilisé par l'agriculture. Les talus encore présents, le recalibrage du ruisseau, la lande témoignent d'un usage agricole qui devait exister sous forme de pâtures, de landes pâturées ou de bois très exploités pour le chauffage. Les bois représentaient alors une surface beaucoup plus modeste qu'aujourd'hui.
- après la seconde guerre mondiale, l'intensification agricole va se traduire par l'abandon des mauvaises terres. Les landes et prairies humides sont donc boisées, soit artificiellement par plantation (ici de châtaigniers sur une parcelle, pins sylvestres isolément, et de peupliers sur certaines parties), soit naturellement par dynamique des saules, aulnes et frênes, secondairement des chênes. Le paysage d'aujourd'hui est donc le résultat de ces deux dynamiques, qui se traduisent par la mixité des faciès, bien loin d'une futaie régulière. C'est ce qui donne son caractère sauvage à ces boisements. Dans les clairières et en lisière, les ronces et les saules roux-cendré constituent des fourrés peu pénétrables. Le bois n'est guère plus utilisé que pour la chasse (à la bécasse en particulier) et quelques exploitations de châtaigniers en taillis. Il faut noter que les bois étaient complétés par des vergers, très présents dans l'espace agricole, et un réseau de haies de chênes pédonculés (traités en ragosses, arbres d'émonde), le tout étant exploité pour différents usages du bois et des fruits.
- fin 2016, nous achetons la Bigotière, et les bois avec. Notre idée est tout de suite de redonner une place plus importante au vivant sur le site, et de s'appuyer pour cela sur les arbres, ceux qui sont présents et ceux que nous implantons. Nous n'avons quasiment rient fait sur le bois, à part permettre l'accès en enlevant quelques ronciers. Sur le reste du site, nous avons développé : deux vergers (2017), des haies champêtres en complément de l'existant (2018), des arbres isolés en en bouquet sur la place du vilage (2021), une plantation de thés (2022), un jardin-forêt (2022) et nous allons désormais mettre en place l'espace-test sur 1,2 ha en production de jeunes plants (végétal local) et de plantes locales. Les plantations se poursuivent dans le but de développer l'architecture écologique du lieu et d'en faire un espace apprenant, inspirant, créatif et accueillant pour des classes, du grand public, des agriculteurs, des entreprises, les personnes intéressées... C'est la partie écocentre que nous développons actuellement, qui s'appuie sur une dynamique coopérative et conviviale, et sur le bigoscope (observatoire de la biodiversité du lieu).
C'est notre havre de paix, notre espace ressourcement, notre manière de nous connecter avec la nature, dans le calme à proximité de l'agitation de l'éco-hameau.
La forêt est dans un bel état, sauvage, riche, humide, parcourue par un ruisseau encore libre sur certaines parties, et présentant une belle diversité, tant dans les essences que dans les âges des arbres. Les plus vieux chênes sont ceux qui étaient sur les talus et les haies en bordure ou dans la forêt. Certains sont très beaux et très anciens. Les frênes sont également bien présents et de belle facture... tant qu'ils ne sont pas touchés par la maladie qui touche les frênes d'Europe.
Comme notre objectif n'est pas d'en faire un usage important en termes de ressources en bois, nous tenons à la beauté et au côté sauvage de ce boisement. La question de l'adaptation au changement climatique se posera aussi, ce sera à nous d'y réfléchir, d'accompagner la forêt dans sa résilience...
Nos rêves sont multiples, en voici quelques-uns (dont certains sont en cours...) :
- conserver le bois comme espace de respiration et de découverte, et le connecter à la forêt proche et aux autres milieux semi-naturels du site. Nous aimerions pour cela acquérir un bosquet et une allée boisée proches, et aussi réaliser un partenariat avec les propriétaires de la forêt pour y développer une approche douce et écologique avec différents publics (hors période de chasse).
- l'école de l'arbre et du bocage sera un espace pour apprendre ensemble des savoirs et savoir-faire autour de l'arbre, les haies, le bocage et les bois. C'est un projet porté avec la SCIC ENR et qui vise à irriguer le territoire pour favoriser une filière arbre, de la plantation à la valorisation (et en tenant compte des différentes fonctions des arbres).
- relier la nature et la culture autour de l'arbre : mixer les approches, les regards, les représentations... Nous avons répondu à un appel à projets du C Régional de Bretagne et sommes lauréats : nous allons développer le projet Arbreau, résidence d'artistes sur une semaine par saison pendant un an et demi. Démarrage au printemps en lien avec la fête de l'arbre, et fin par la réalisation d'un sentier d'interprétation à l'été 2024.
- Accueillir la faune sauvage, lui donner une place plus importante, découvrir de nouvelles espèces : le muscardin, le rougequeue à front blanc, le loup..