Témoignage de Raymond Gabriel

 

• Qu’est-ce qui t’attire dans la forêt ?
Je suis né dans les poussières du charbon des houillères de Lorraine, mais la chance a fait que nous avons hérité d’une maison familiale située au milieu des bois où nous venions en vacances : Tiragoutte ! La forêt, les cabanes, la source, les sentiers secrets, l’odeur de la résine, les bûcherons, les planches qu’on empile, les myrtilles, les lichens, le feu de camp… et mes premières notes de musique en tapant sur des bouts de bois de chauffage. Cette attirance ne m’a jamais quitté.

• Comment est-ce que tu t’occupes de la forêt de Tiragoutte ?
Après être passé dans une grande école forestière, j’ai été cadre à l’ONF. Ce qui m’a permis d’avoir, je pense, de solides bases en sylviculture. Dès que j’ai pu accéder à la propriété, j’ai pris soin de créer une forêt la plus diverse possible, puisqu’elle est riche de pas moins de 40 espèces forestières, dont les 3 quarts sont venues spontanément. On vient encore de découvrir un pommier sauvage en pleine forêt, c’est forcément l’œuvre d’un oiseau. Nous œuvrons en permanence à favoriser sa diversité. Par exemple, nous avons la chance de trouver des ormes de montagne qui n’ont pas péri de maladie il y a un demi-siècle, disparaissant de toute l’Europe. De fait, de jeunes ormes poussent un peu partout et nous leurs ménageons des espaces de lumière. On en sème aussi au potager pour les planter un peu partout. Voilà le genre de mission pratiquée avec des Woodeurs à qui on dit, comme aux visiteurs : rendez-vous dans cinquante ans !
C’est d’ailleurs le socle des visites pédagogiques que nous organisons : en tant qu’humain je ne suis pas qu’un destructeur, je peux favoriser la diversité. Nous sommes porteurs d’une nouvelle qui est plutôt bonne : la vie est toujours là !

• Quelles sont tes expériences avec les volontaires que tu accueilles?
En règle générale ça se passe très bien ! Beaucoup de personnes arrivent avec un tas de préjugés sur le monde forestier. Les profils sont très différents : un prof de techno qui a besoin de s’évader, un ex-ouvrier forestier de l’ONF en attente d’une formation d’élagueur, une ingénieure en neurosciences en quête de sens, une informaticienne, un prothésiste dentaire qui veut « faire sa part » dans le monde concret, deux BTS protection de la nature en période de recherche d’emploi etc.